Notre Famille au XXème siècle

Sur le front des Balkans

Jean Marie Dominique Thomas, 14éme hussards 11éme escadron de Nancy, 12 rue d'Alliance. Plaque : THOMAS JEAN 1909 Verdun 929. Il a fait la première guerre mondiale sur le front des Balkans, au 4éme chasseurs d'Afrique 1er escadron, 2éme peloton de Tunis.

Au 14éme Hussard

25 septembre

Entré à l'infirmerie. Je m'y ennuie

30 septembre 1915 :

Le temps est sombre, mon âme aussi. Les feuilles commencent à tomber et je suis triste car c'est tous les ans un peu de ma jeunesse qui, à l'automne, meurt avec les feuilles.
Abbé Vacion, 16 rue amiral Courbet, Amiens (Somme).
Thomas Pierre, maréchal des logis 5ème régiment AP, 31ème batterie, subistant au 6 régiment A à P, 21ème batterie (groupe Laurent), secteur postal 121.

4 octobre.

J'apprends aujourd'hui par mon frère Pierre la mort d'Edmond Mangeard, lieutenant d'infanterie tué à Charleroi. Pauvre ami!
Thomas Pierre, maréchal des logis 5ème régiment AP (artillerie à pied), 31ème batterie, subsistant au 54ème régiment d'art. de campagne, 25ème batterie, secteur postal 121.
Parti en permission le 19 décembre 1915, rentre à Alençon le 23. Je retrouve Rieter à Alençon.
Entré à l'hopital le 2 janvier 1916 pour une angine. Soigné par sœur Catherine de St Vincent de Paul, salle St Jacques, hopital mixte. Sorti le 7 janvier.

1er janvier 1916

Les boches bombardent Nancy. Mes parents partent à Beaune (Côte d'Or). Léon Thomas 17 Bvd Bretonnière Beaune.
Thomas Pierre, maréchal des logis 5ème régiment AP, 31ème batterie, 3ème corps de cavalerie, 8ème division de cavalerie, subsistant au 4ème régiment Art. de camp., 10ème batterie, secteur postal 124.
Garde d'écurie du mardi 11 au mercredi 12. Je suis malade.
Entre à l'infirmerie le 13, sort le 17 pour une angine, 2 jours d'exemption de service.
Maréchal des logis Charles RAPHAEL, peloton des EOR, élève du CPA, 6ème régiment d'art. à pied , pavillon de Chaudeney près de Toul (Meurthe et Moselle)

Marseille et Tunis

Vendredi 4 février 1916.

Je quitte le 14éme hussards pour le 4éme chasseurs d'Afrique à Tunis. Je l'ai quitté sans une larme, sans un regret, sans un soupir.

Samedi 5 février.

Arrivés à Marseille : devant nous l'inconnu. Nous sommes en subsistance au 6éme rgt de hussards. Réception peu enthousiaste, on nous fait faire toutes les corvées à la place des méridionaux qui sont des paresseux.

Dimanche 6 février.

Visite de Marseille. Cannebière bvd assez banal. Vieux port très intéressant. Foule cosmopolite : Français, Sénégalais, Anglais, Indous, quelques Belges, Serbes. Des prisonniers boches travaillent sans se fouler sur le port. Pont transbordeur. Rues sales, linge aux fenêtres, beaucoup de basse débauche.

Jeudi 10 février.

Visite à Notre Dame de la Garde. Vue superbe sur Marseille et ses ports.

Vendredi 11 février.

Promenade en canot automobile, visite des bassins du port. Transatlantique "Provence" peint en gris et armé de canons. Des Anglais embarquent pour Salonique. Impression de force et confiance. On vaincra! Visite des cales sèches. Je vois un bateau en réparation, le "Paul Lecat". Quitte les cales. Scaphandrier.

Samedi 12 février.

Rien d'intéressant. On balaye les cours du 6éme hussards.

Dimanche 13 février.

Dernière promenade assez mélancolique sur le sol de France. Visite au chateau d'If.

Lundi 14 février.

Nous embarquons à 3 heures sur le "duc d'Aumale" de la Cie Gle Trans. A 5 heures le bateau part, les mouchoirs s'agitent. Adieu! la nuit tombe. Bientôt nous voyons disparaître à l'horizon les dernières lumières du port de Marseille, nous sommes en pleine mer, plus rien autour de nous que le ciel et l'eau. On craint les sous-marins allemands. Les hommes de quart veillent, deux canons sont chargés prèts à tirer. Que sera pour nous ce voyage? Je m'endors en me confiant à la protection de Dieu.

Mardi 15 février.

Journée en pleine mer longue et fatiguante. Sur le bateau, beaucoup de tirailleurs algériens qui vont en permission, des "joyeux" et des zouaves qui rejoignent leur dépôt, quelques civils peu nombreux et un sous-officier de hussards prussiens qui a tenté de s'évader d'un camp français et que l'on conduit à Monastir (Sud Tunisien). (Pierre Thomas, Secteur postal 65).

Mercredi 16 février.

Nous sommes en vue de la côte d'Afrique, nous apercevons les maisons blanches de Bizerteبنزرت . Nous entrons dans le port, des cuirassés sont en rade. Sur le port, une nuée d'arabes crasseux arrive pour nous vendre des oranges. Nous prenons le train de Bizerte à Tunis. Pays plat, beaucoup de troupeaux de bœufs et de moutons. Oliviers, palmiers, haies de cactus. Aqueduc. Nous arrivons à Tunis à 7 heures et nous partons vers le quartier en traversant la ville qui me paraît jolie. Jean Thomas; Mle 06160, 4éme chasseurs d'Afrique, 1er escadron, 2éme peloton Tunis (Forgemol). Sabre 202, carabine 48139.

Vendredi 18 février.

Première sortie dans Tunis. Porte Bab Bou Saadou. Place Bab Souika. Place de Bab Carthagina. Rue des Maltais. Porte de France.

Vendredi 10 mars.

Voyage à Tebourba. On revient à cheval jusqu'à Tunis. Monsieur Prenat, à Gamart, par la Marsa (Résidence)

Dimanche 16 avril 1916.

Visite à Gamart chez Mr Prenat..

Dimanche 23 avril 1916.

Jour de Pâques. Il pleut. Je ne suis pas sorti et je m'ennuie.

Lundi : idem.

Thomas Pierre, Mal des logis, Art. de Campagne à pied, 16ème Bie, secteur postal 191.

Mardi 11 mai 1916.

Départ de deux détachements de 75 hommes chacun pour Salonique. Quinton s'en va. Je quitte le 14ème escadron 2ème peloton pour passer au 13éme escadron, 4éme peloton.

Dimanche 14 mai 1916.

Visite à Gamart. Matricule de mes nouvelles armes : sabre 1479, mousqueton 62976, harnachement 0137, cheval "Herboriseur" 3067. Caporal Marcel Baron, 19ème Bon de chasseurs, SHR secteur 169. Georges Rieter, 103éme rgt d'infanterie, Bureau du Comt major, caserne Bonnet, Alençon (Orne).

14 juin 1916

8 heures du soir. L'ordre de départ arrive.

15 juin et jours suivants.

Préparatifs de départ.

de Tunis à Gramatna

27 juin.

5 heures du matin. Nous quittons Tunis à cheval. Adieux du général Alin (?) On forme le bivouac à Prostville (conduite du Capitaine)

28 juin.

Départ du bivouac à minuit. Arrivée au port de Bizerte à 6 heures et demie. Le "Canada", croiseur auxiliaire est là qui nous attend : on embarque aussitôt hommes et chevaux. Les chevaux de mon peloton sont bien placés sur le pont. Avant le départ, revue de l'amiral Guéprate : la nouba des tirailleurs joue quelques airs et le bateau part à 7 heures. Beaucoup d'entre nous, hélas, ne reviendront plus. Mer calme, nuit en mer bonne.

29 juin.

Nous rencontrons 2 transports accompagnés d'un contre-torpilleur. Le bateau passe en vue d'une île italienne (Pantellaria)
1 heure.
Nous rencontrons d'autres bateaux.
2 heures.
nous passons en vue de l'île de Malte. Dans la soirée, nous rencontrons encore d'autres bateaux. On nous fait coucher dans le dortoir des passagers de 3ème classe où il fait une chaleur inimaginable..

30 juin

Mer et temps toujours beaux. En route, nous croisons de nombreux bateaux. Le soir la mer s'agite un peu.

1er juillet.

Temps beau, mer calme. Nous entrons dans la mer Egée. Iles nombreuses et panoramas très variés. Je suis de garde à bord du bateau, couche sur le gaillard d'avant.

2 juillet.

3 heures. Je me réveille. Nous sommes dans le golfe de Salonique. Un torpilleur nous accompagne pour nous diriger à travers les mines. Croiseur auxiliaire anglais torpillé par les Allemands et échoué sur la côte. A 9 heures nous entrons dans le port de Salonique où de nouveaux vaisseaux sont mouillés : vaisseaux hopitaux, vaisseaux marchands, cuirassés (dont le "Suffren" et le "Démocratie"), torpilleurs. Je prends la garde sur les quais où des soldats grecs crasseux et déguenillés cherchent leurs poux. Nous passons l'après-midi au grand soleil. A 6 heures nous partons pour le camp en traversant une partie de Salonique.

3 et 4 juillet.

Passés au camp de Zertenlik.Zeitenlik - Zeitinlik Chaleur insupportable, beaucoup de mouches.

5 juillet.

Nous quittons le camp. Journée de marche sous un soleil de plomb à travers un pays dénudé et triste. Bivouac sous les arbres le long d'un cours d'eau, à Marès.Rivière Galiko à Nares

6 juillet.

Départ à 3h1/2. Même journée que la veille. Nous établissons le bivouac à Sari-Gueil.Sarıgöl

7 juillet.

Départ à 5 heures. Nous faisons une petite étape pour aller rejoindre le 7ème escadron du 8ème chasseurs d'Afrique que nous devons relever comme éclaireurs de la 17ème division coloniale. Nous traversons une grosse localité KukusKukuš - Κιλκίς en partie démolie par la guerre balkanique. Je fais l'étape à pied en tirant par la bride un mulet du convoi. Nous établissons le bivouac dans des mûriers le long d'un cours d'eau. Nous allons rester ici au repos pendant 10 jours. On n'y sera pas trop mal. Beaucoup de tortues et de cigognes. Les cheminées des rares villages que nous avons vues jusqu'ici sont faites comme en Alsace. Beaucoup de gibier : perdreaux rouges, lièvres. A côté de notre bivouac un village (GramatnaGramatna) démoli par la guerre et abandonné. Seule la petite église est restée debout.

14 juillet.

Je pars en patrouille à 6 heures du soir (HiriclisIrikli - Herakli). Nous allons tout près de la ligne de feu. On n'entend ni canon, ni fusil. Mon cheval se prend les pieds dans du fil de fer barbelé. Nous surveillons une ligne télégraphique que les (corintayis?) s'avisent quelques fois de couper. Horsova.Hırsova

17 juillet.

Notre séjour ici se prolonge.

Jeudi 20 juillet.

Patrouille. mal des logis Mardon
hommes : Godard, Thomas, Lepommier
de HorsovaHırsova à SatierèsPateres?; partis à 3 h du matin rentrés à 11h. Nous marchons sur la ligne de chemin de fer. Pateres.Pateres n'est pas démoli. Cimetière turc, habitants turcs. Nous passons tout près de Kalnickir.Kilindir sur la frontière serbe.
Pierre Thomas, 7 A.P. 16ème Bat. secteur 35?

Vendredi 21 juillet.

Corvée de bois à GramatnaGramatna. Nous passons à côté du petit cimetière, petites croix basses. Je remarque que l'écriture n'est pas grecque mais slave. Il paraît qu'avant la guerre balkanique, Gramatna était bulgare. Pateres, moitié turc, moitié bulgare. KukusKukuš - Κιλκίς moitié turc, moitié bulgare. Parigruil.Sarıgöl (?) turc.

Dimanche 23 juillet.

Patrouille Brigadier Carsar, Thomas, Trolin, Coquelit. Départ 3h1/2. HiriclèsIrikli - Herakli, HussushiNon identifié ; peut être Dukusli?, PateresPateres, KilmourKilindir. Halte à la fontaine Massissi (ou Massini). Mal des logis au 8ème esc. du 8ème chasseurs d'Afrique, mort au champ d'honneur à Dobrovica, 8 avril 1916], HixcrovaHırsova, GanesJanes - Enesevo. Rentrés à 11 heures.

Jeudi 27 juillet.

6h. Nous quittons le bivouac de GramatnaGramatna. Contrordre : nous faisons 1/2 tour et nous venons nous réinstaller à la même place.

Vendredi 28 juillet.

Nous démolissons pour avoir du bois une malheureuse chaumière de GramatnaGramatna. Je songe que peut être au même instant d'autres soldats sont en train de démolir la mienne et cela me remplit l'âme de tristesse. Pauvre St Jean où j'ai laissé tant de bons souvenirs et que peut-être je ne reverrai plus. Ici aussi la guerre a passé, semant partout la désolation et la ruine. La plupart des villages KukusKukuš - Κιλκίς, HorsovaHırsova, GramatnaGramatna sont démolis, les habitants ont fui et les cigognes elles-mêmes ont abandonné ces foyers désolés. Je reçois aujourd'hui une carte de Raphaël; elle est revenue raviver en moi les bons souvenirs du temps passé. Que j'étais heureux! et comme ce temps-là me paraît lointain.

Samedi 29 juillet.

Ce soir orage et pluie torrentielle. Un dindon égaré vient manger et se mettre à l'abri chez nous.

Dimanche 30 juillet.

Pluie torrentielle. Le SparuSpanc (Σπανος) monte monte. Quels tristes dimanches nous passons loin de notre pays et de nos familles! C'est à toi que je pense en ce moment, O mon pays bien-aimé, à tes ruisseaux qui chantent, à tes grands peupliers, à la fraîcheur de tes ombrages, à tes moissons dorées. C'est à toi que je pense, O mon village, à ton église, à ton petit cimetière où sont enterrés mes morts. C'est ici que j'ai appris à vous connaître et à vous aimer, dans ce pays désolé et triste, où peut-être je mourrai sans jamais vous revoir.... Ce soir quelques artilleurs anglais du RFA viennent nous demander l'hospitalité. Il pleut et il tonne, nous sommes trempés. Mes camarades chantent avec eux l'hymne anglais et "it's a long way to Typerary". Moi je tourne le dos et m'endors en pensant que les Anglais ont toujours été les pires ennemis de la France.

Lundi 31 juillet 1916.

Il pleut toujours. La solitude de notre bivouac commence à me peser : seul le petit "Decauville" du ravitaillement vient nous apporter un peu de civilisation. J'accompagne le vaguemestre à KukusKukuš - Κιλκίς, assez grosse localité en partie démolie par la guerre des Balkans. L'occupation anglo-française y a fait naître tout un commerce : des baraques se sont montées où des Grecs à la figure peu sympathique vendent à des prix exhorbitants des légumes, de l'épicerie, de la viande, du vin de Samos, etc.. A toutes les devantures s'étalent les couleurs françaises et anglaises ou le portrait de Mr Venizelos. Nous rencontrons en revenant quelques popes crasseux sur des ânes. Cet après-midi plusieurs de mes camarades et moi allons à GramatnaGramatna pour y chercher du bois. Toutes les maisons épargnées par les obus de 1913 ont été démolies par les Français ou les Anglais pour avoir le bois des toitures. Seuls l'église et le presbytère ont été respectés. Nous y sommes entrés : à l'intérieur, tout est intact, les peintures, les bancs, le catafalque et les vieux missels du pope. Il y a aujourd'hui deux ans que j'ai quitté St Jean pour me rendre à Verdun au 19ème de chasseurs à pieds. Le temps passe et la guerre ne finit pas

Mardi 1er août.

Les aéroplanes français bombardent la gare de Conflans et les bivouacs de la région d'Etain. Groupe léger du 13ème chasseurs à cheval.

Mercredi 2 août.

Un bataillon étranger composé de Tchèques, de Croates, de Bosniaques, de Monténégrins passe à côté de notre bivouac. Quelques uns sont très vieux. Pauvres gens chassés de chez eux par la guerre.

Jeudi 3 août.

La pluie a cessé, la chaleur redevient insupportable, on est dévoré par les mouches et les moustiques.. Le vaguemestre vient d'arriver : depuis 8 jours je n'ai reçu aucune lettre et le temps commence à me sembler long... Enfin en voici une qui me fait le plus grand plaisir... Il paraît que nous allons marcher à l'ennemi. Le capitaine pour nous donner du courage nous menace de nous "brûler la gueule" si nous reculons. Ce sont là des bontés qui lui sont coutumières. C'est un homme très méchant, d'une grossièreté qui révolte même les plus mal élevés d'entre nous. Nous marcherons tous parce que c'est notre devoir mais pas par peur de son revolver.... Tous les jours, le petit "Decauville" passe avec des prisonniers bulgares. Je regarde sans haine. Comme moi ces gens ont été arrachés à leurs familles, à leurs affections pour venir défendre leur patrie.

de Gramatna à Kilindir

Mardi 8 août.

Nous quittons notre bivouac de GramatnaGramatna, nous passons par HiriclèsIrikli - Herakli, HussushiNon identifié ; peut être Dukusli?, PateresPateres. Dans ces villages où j'étais passé en patrouille 15 jours auparavant, il y avait peu de soldats. Aujourd'hui la plaine est couverte de bivouacs anglais et français jusqu'à HirsovaHırsova. Que se prépare-t-il? Nous arrivons à 9h, il fait nuit. Nous campons à côté du village en ruines. Notre bivouac ressemble à celui qu'a peint Edouard Detaille. Mes camarades dorment enroulés dans leurs couvertures. Je les regarde. A quoi rèvent-ils? Je doute fort que ce soit des héros de la grande armée des volontaires de 1789. Nuit blanche.

Mercredi 9 août.

Départ de GolaGola à 3h. Nous traînons nos chevaux par la bride à travers un pays accidenté et sauvage : la nuit ajoute encore à la tristesse du lieu. Au lever du jour, nous sommes sur les rives du lac de Doïran : le paysage est plus gai, mais les Bulgares ne sont pas loin. Doïran, que l'on voit de l'autre côté du lac, est occupé par eux. La ville me paraît de loin assez grande et jolie avec ses minarets et ses maisons blanches. Les obus français pleuvent tout autour. Mon peloton établit le bivouac à Popovo. Nous sommes tout à fait aux avant-postes. Le 2ème peloton est à Brest et se trouve encore plus près de l'ennemi que nous.
Le bruit du canon commence à me faire haïr les Bulgares. Et puis derrière eux, il y a les Allemands. Quelques fantassins du 235 sont avec nous. Un homme blessé à l'épaule par une balle d'obus. 5h. Le 2ème peloton rentrera au bivouac. Un homme perdu que l'on croit prisonnier.

Jeudi 10 août.

Je vais avec le Bier des Rieux, Grollais et Godard à Surlevo reconnaître le chemin qui relie Popovo à ce village. Nous y trouvons le courrier égaré, nous le ramenons dans notre bivouac. Malheureusement il ne nous apporte rien à manger. La faim commence à se faire sentir. L'homme perdu hier a rejoint le courrier. Une patrouille de 6 hommes commandée par le Mal des logis Giacomone est accueilli à coups de feu par les Bulgares. Les hommes rentrent indemnes, mais 6 chevaux qu'un homme tenait en main se sont échappés effrayés par les balles et sont partis vers les lignes françaises. Ces patrouilles sont très dangereuses car la plaine est couverte de grandes herbes dans laquelle un fantassin peut très facilement se cacher. Le Mal des logis Caignard ramène au capitaine un paysan turc que l'on croit être un espion. Interrogé par l'interprête et sous la menace d'être fusillé, il nous donne quelques renseignements sur l'emplacement des batteries bulgares. On le conduit à Salonique..... Les chevaux égarés rentrent : on avait peur que les Bulgares ne les aient pris.... Les fantassins du 235ème s'en vont : nous sommes donc seuls en première ligne. Les chevaux restent sellés et nous les tenons par la bride toute la nuit. Il fait très froid, nous avons les pieds dans l'eau et le ventre vide. Nos effets de toile kaki nous protègent insuffisamment, on ne peut pas dérouler les manteaux qui sont sur les selles. Pourquoi?

Vendredi 11 août.

Des fantassins reviennent avec nous au petit jour occuper Popovo. Une compagnie d'infanterie coloniale va occuper Brest et s'y fixer définitivement. Ce village était intenable pour la cavalerie, qui à peine entrée, y était bombardée. Nous n'irons donc plus en patrouille de ce côté là, et j'aime autant. Nous quittons Popovo, nous passons le col de nuit en tirant nos chevaux par la bride, nous établissons le bivouac à côté du quartier général de la 17ème division.

Dimanche 13 août.

Encore un triste dimanche! Dés le réveil, les cris rauques des sous-officiers nous appellent à l'abreuvoir; le lieutenant vocifère contre nous des injures et des reproches immérités. Je suis très fatigué physiquement et moralement. Nous souhaitons tous la fin de cette guerre maudite et détestée qui nous arrache à nos familles, qui a dévasté nos villages et détruit nos foyers. Le capitaine fait attacher une mauvaise tête à la crapaudine. L'homme est resté pendant 4 heures les pieds et les mains liés, la figure contre terre. Ce supplice n'a été inventé ni par Attila ni par le Feld Marschal Von Manteuffel, mais par le général français Négrier au moment de la conquête de la Tunisie. L'homme méritait d'être puni, c'est certain, et même avec sévérité, mais ces tortures indignes du nom français subies en public et à proximité de l'ennemi font tomber l'enthousiasme, refroidissent les bonnes volontés et font passer dans l'escadron des frissons de haine. La vue de ce malheureux étendu à terre et ligoté comme une bête dangereuse a rempli mon âme de douleur et fait germer dans mon coeur une haine sourde et féroce contre son tortionnaire.

Lundi 14 août.

Je suis malade : mon moral n'est plus assez fort pour réagir... Personnellement, je n'ai jamais à me plaindre ni du capitaine si de mes officiers : le capitaine me gratifie même d'un petit sourire, chose très rare.

Mardi 15 août.

Nous quittons le quartier général à 9h1/2 du soir, je pars malgré un fort mal de tête. Etape triste et longue. Pour comble de malheur, le capitaine se trompe de chemin. Nous arrivons à 3h à Kilindir

Hôpital de Salonique

Mercredi 16 aout

Je reselle mon pauvre cheval à 6h pour aller occuper la gare de Kilindir. Je suis pris d'un violent accès de fièvre chaude, mon camarade Trollin aussi. Cela vient du surcroit de travail de ces derniers jours. A peine les chevaux desellés, il fallait creuser, faire des abreuvoirs et des abris pour manger à nos officiers qui sont très exigeants et ne savent se priver de rien. On voyageait la nuit, on travaillait le jour. A 5h, deux artilleurs me conduisent sur une petite voiture à 2 roues jusqu'à une ambulance située à côté d'Hirsova. J'y passe la nuit sur un brancard.

Jeudi 17 août.

Je suis évacué en auto sur l'ambulance centrale de Janès. On nous met dans le train sanitaire qui nous conduit à Salonique. Je refais en chemin de fer les étapes que j'ai faites il y a un mois 1/2 (Sari-Gueil-Nares). Je voyage avec des coloniaux du 1er et du 54ème, blessés la veille à l'attaque de la Tlortue (?). En arrivant à Salonique, une auto ambulance nous conduit à l'hopital de campagne n°4. Cet hopital se compose de pavillons en bois parallèles et de tentes de campagne, et est situé sur le bord de la mer. Vue sur le port. J'éprouve une vive satisfaction en enlevant mon uniforme de toile kaki pour endosser une vareuse et un pantalon d'hopital en flanelle bleue très légère. Je n'ai plus de fièvre, mais je suis toujours très faible et très fatigué.

Vendredi 18 août.

Journée d'hopital qui me paraît longue. Il fait très chaud et les mouches m'empêchent de dormir. A 5h, le grand transatlantique français de la Cie Gle Tr.(220m, 4 cheminées) sort du port et passe devant l'hopital. Il part pour Marseille emportant vers la France des malades et des blessés de l'armée d'orient. Je sors un peu le soir, je rencontre dans la cour de l'hopital des Annamites, des Malgaches, des Italiens, des Serbes, un légionnaire grec, un légionnaire hollandais. Nous sommes tous pêle-mêle dans les salles : dans la mienne, il n'y a que des Serbes. A côté de notre hopital, un autre (anglais) dont le service est assuré par un personnel entièrement féminin : médecin, pharmacien, administration, etc..

Dimanche 20 août.

Je vais beaucoup mieux, mais je suis encore très fatigué.

Lundi 21 août.

Les Russes entrent à l'hopital. Il ne manquait plus qu'eux pour en compléter la collection ethnique.

Mercredi 23 août.

La tristesse m'envahit, il pleut. Mes deux voisins de lit partent pour la France. Que ne suis-je plus malade pour y aller moi aussi et quitter pour toujours cet orient maudit.

Jeudi 24 août.

Alerte générale : le feu prend dans un petit magasin d'essence de l'hopital anglais ; tout le monde est mobilisé pour l'éteindre. Rien de grave!

Vendredi 25 août.

Je suis guéri et complètement reposé. Un soldat de la classe 1913 meurt dans le pavillon voisin du mien. Je pense à la pauvre mère qui attend en France le retour de son gar (sic) et qui va pleurer. Les décès dans les hopitaux militaires, loin du pays et de toute affection, son infiniment tristes. Combien d'entre nous, hélas, ne reverront jamais ni leur mère, ni la France!

Lundi 28 août.

La Roumanie déclare la guerre à l'Autriche et à la Bulgarie. L'Italie déclare la guerre à l'Allemagne. Nous sommes à la veille d'événements très importants dans les Balkans : peut-être cela avancera-t-il la fin de la guerre.

Mercredi 30 août.

Salonique est en révolution, la mobilisation générale est décrétée pour la Macédoine par le gouvernement provisoire appelé "commission de la défense nationale". Nous entendons de l'hopital les cris des manifestants. Des Serbes accompagnés par un accordéon dansent le Kolo, leur danse nationale : un groupe très drôle de Français, de Malgaches, d'Annamites, de Russes et d'Italiens les regardent. Cela m'a fort amusé.

Salonique à Dragos. Relève

Samedi 2 septembre.

Je quitte l'hopital 4 et je rentre au dépôt intermédiaire du camp Zertenlik. J'y suis assez mal reçu par l'adjudant et le margis chef : le contraire m'aurait d'ailleurs fort étonné. Depuis 4 ans j'ai eu le temps de m'habituer aux injures et aux goujateries des gradés de basse classe et je n'y fait plus attention. Je me loge comme je peux dans une gitoune pleine de puces et ouverte à tous les vents. J'y dors très mal.

Dimanche 3 septembre.

Le major me donne encore trois jours de repos. Je passe la journée du dimanche sous cette maudite gitoune où je m'ennuie à mourir.... Les soldats grecs fidèles au roi sont parqués dans un coin du camp et gardés par des tirailleurs annamites. Armes touchées au dépôt de Zertenlik : sabre 1175, mousqueton 51313, coupe choux 15835, Cheval "Velours" dit "Cici" 976.

Mercredi 6 septembre.

Je reprends mon service au dépôt. Nous sommes astreints à un travail d'écurie absolument écœurant et très fatiguant.

Mercredi 20 septembre.

Je suis dirigé avec 5 de mes camarades comme éclaireur monté au 35ème colonial. C'est un régiment qui vient d'arriver de France. Nous quittons le camp de Zertenlik à 6h1/2 et nous rejoignons le 35ème le même soir à Samli.

Jeudi 21 septembre.

Départ de Samli à 6h1/2. Bivouac dans un lieu inconnu.

Vendredi 22 septembre.

Départ à 6h1/2. Bivouac à Jenitze-Vardar. Grosse localité turque très sale et en partie démolie.

Samedi 23 septembre.

Départ de Jenitze-Vardar à 3h1/2. Nous bivouaquons en face de Vodena. Ville bâtie à flanc de coteau et noyée dans la verdure. Les grands minarets blancs seuls en émergent.

Dimanche 24 septembre.

Repos. Nous sommes présentés au colonel.

Lundi 25 septembre.

Départ à 8h1/2. Il commence à faire froid. Nous traversons Vodena. La ville qui, extérieurement, paraissait coquette est la même que les autres localités turques du même genre : rues étroites et mal pavées, maisons basses et mal entretenues, fenêtres, grillages, minarets. Bivouac à Vladova.

Mardi 26 septembre.

Départ de Vladova à 6h1/2. Bivouac à Ostrovo sur le lac. Ostrovo grosse bourgade du même genre que les autres et aussi sale.

Mercredi 27 septembre.

Départ d'Ostrovo à 6h1/2. Etape longue et fatiguante dans la montagne. Le paysage est ravissant. Nous traversons les premières lignes bulgares que les Serbes ont conquises récemment. Bivouac à Banitza. Régiment russe, pas d'eau, fatigue, fièvre.

Jeudi 28 septembre.

Départ à 2h du matin. Etape très courte et bivouac à côté de Vrtloum, village turc très pauvre et évacué de ses habitants.

Vendredi 29 septembre.

Repos

Samedi 30 septembre.

Reconnaissance jusqu'à Rosna. Les Bulgares bombardent Vrtloum avec de gros obus.

Dimanche 1er octobre.

On quitte Vrtloum pour aller à Mahala. Etape de nuit qui n'en finit plus.

Lundi 2 octobre.

Je quitte Mahala à, 5h avec le 6ème bataillon pour aller à Florina. Les Bulgares sont à peine à 300m de la ville.

Mardi 3 octobre.

Les Bulgares abandonnent leurs tranchées et battent en retraite. Nous les suivons. Je rentre au bivouac à minuit très fatigué. Général.

Mercredi 4 octobre.

Patrouille de flanc dans la montagne à Bouf. Nous sommes arrêtés par un feu assez nourri d'artillerie et des fils de fer barbelés. Je passe ma journée à porter des plis. Marmitage.

Jeudi 5 octobre.

Je reste à l'arrière à Dragos. Nous prenons chacun notre tour le service auprès du colonel.

Vendredi 6 octobre.

Je prends le service auprès du colonel : les obus tombent et les balles sifflent. A 5h40, le régiment attaque sans résultat et subit des pertes qui ne sont pas négligeables.

Samedi 7 octobre.

Je reste à Dragos. Les soldats français qui y sont cantonnés volent les poules et les cochons. Le Français est aussi pillard que le Bulgare, sinon plus.

Dimanche 8 octobre.

Triste dimanche. Je suis malade. Quand cette guerre maudite finira-t-elle, mon dieu? Je songe aux heureux dimanches d'autrefois passés en famille. Quand ce temps là reviendre-t-il? s'il doit jamais revenir. Hermant est tué d'un éclat d'obus en pleine poitrine? Pauvre gar! Je le connaissait depuis longtemps, il me parlait de son pays, de son père, de sa fiancée, de sa ferme et m'expliquait ses projets d'avenir. La mort a tout brisé. Le voilà pour toujours dans ce coin de Macédoine, loin de son pays et de son vieux père. Peut être demain sera-ce mon tour. Mon dieu, préservez moi d'une mort aussi affreuse, faites que je retrouve mon frère, mon père et ma mère et que je revoie la France.

Lundi 9 octobre.

Nous sommes relevés. Départ de Dragos à 7h. Nous allons à Kladerope.

L'ennemi recule

Mardi 10 octobre.

Journée passée à Kladerope que le régiment quitte à 1h du matin. Etape de nuit : il fait très froid. Nous arrivons à Rosna au lever du jour.

Mercredi 11 octobre.

Nous logeons à Rosna. Nous allons rejoindre la 17ème division coloniale à laquelle nous sommes rattachés. Le temps est toujours très beau, heureusement pour nous.

Jeudi 12 octobre.

Séjour à Rosna. Service chanté en plein air par un prêtre brancardier du régiment en mémoire des soldats du 35ème tombés les 4, 5, 6, 7 et 8 octobre à l'attaque de Monastir. Au 35ème, quand nous sommes au repos le dimanche, nous pouvons assister à la messe en plein air. C'est la seule consolation que j'aurai sur cette terre étrangère et inhospitalière.

Vendredi 13 octobre.

Je quitte Rosna à 4h du matin? Nous allons à Vakufköj que nous quittons à 9 heures du soir pour aller vers l'avant à Kalenik.

Samedi 14 octobre.

Le 35ème attaque les tranchées bulgares sans résultat et avec des pertes.

Dimanche 15 octobre et lundi 16.

Séjour à Kalenik. Nous sommes tranquilles mais je suis malade. Nous quittons Kalenik à 6h pour aller à Sakulevo. Je suis toujours malade et je passe des nuits épouvantables.

Mardi 17 octobre 1916.

Séjour à Sakulevo. Tranquillité. Le régiment est en ligne, attaque, a des pertes et n'arrive à rien. Nous sommes relevés le 21. Nous quittons Sakulevo par une pluie battante pour aller à Rosna où nous arrivons gelés et trempés. Même cantonnement que les 11 et 12 octobre.

Dimanche 22 octobre.

Messe hebdomadaire et repos.

Lundi 23 octobre.

Nous quittons Rosna. Je suis détaché avec le lieutenant Philippini. Nous allons à Zivonia, village turc très pauvre de la Macédoine serbe. Le régiment est en réserve de l'armée serbe et se trouve à 4km sur notre gauche.

Vendredi 27 octobre.

Je suis malade. Le lieutenant me fait réveiller à10h du soir pour aller porter un pli. Il m'est impossible de me lever car j'ai une très forte fièvre. On me menace du conseil de guerre. Heureusement qu'un camarade complaisant s'offre à le porter à ma place.

Lundi 30 octobre.

Même scène que vendredi. Je porte un pli à travers un chemin boueux à l'officier d'approvisionnement qui se trouve ne pas être rentré à l'heure de mon arrivée. Je suis obligé de l'attendre et je rentre en retard au gré de mon lieutenant qui m'insulte et me promet 8 jours de prison. Je me suis tu : c'était le plus simple et le plus sage.

Mercredi 1er novembre.

Jour de la Toussaint. Je passe une partie de ma journée à cheval. C'est l'entrée de l'hiver, le 3ème de la guerre. Jamais jour de Toussaint ne m'a paru plus triste que dans ce village turc de Zivonia à moitié démoli. Aucun son de cloches. Il y a longtemps que je ne les ai pas entendues, les cloches, les vieilles cloches des églises de France. Et puis nous n'avons pas eu de messe car le régiment est en ligne.

Jeudi 2 novembre.

Jour des morts. Je pense à notre vieille tombe de St Jean abandonnée depuis 27 mois.

Dimanche 3 novembre.

Dimanche sans messe et sans cloches. Même monotonie. Mes journées se passent à me promener entre Zivonia, Verberri (?), Sakulevo, Ossan Oba. Heureusement qu'il ne pleut plus, que les chemins sont secs et qu'il fait clair de lune pour voyager la nuit.

Lundi 6 novembre.

Je m'ennuie toute la journée. Je reste seul dans la masure où nous sommes logés et je pense A quoi? au pays, à la famille absente; à la fin de la guerre. Quand reverrai-je la France? la reverrai-je jamais? que dieu et la bonne vierge me protègent! En face de ma maison, un minaret blanc et pointu domine une mosquée démolie. A côté de la mosquée, un cimetière turc.

Jours suivants.

Nous sommes toujours à la même place dans notre masure de Zivonia<; Je vais quelques fois le soir à la tombée de la nuit porter le courrier au colonel à Brod sur la Crna Rieka. Ma santé est un peu meilleure, je n'ai plus de fièvre mais j'ai toujours très mal à l'estomac. Je reçois de temps en temps des lettres de maman. Elles viennent m'apporter un peu de la douceur du milieu familial. Je les lis et les relis jusquà ce quelles soient complètement usées. Quand finira ce dur exil? Sera-ce par la mort, ou par une rentrée joyeuse et définitive à la maison? Mon dieu, protégez mon père et ma mère, protégez mon frère, protégez moi afin qu'un jour nous nous trouvions tous réunis pour vous remercier et vous bénir! (Maréchal des logis Thomas Pierre, 7ème régiment artillerie à pied, 16ème batterie, secteur p44). Les Bulgares lancent quelques obus qui tombent sans faire grand mal à droite de notre maison... J'aimerais tout de même qu'ils restent tranquilles. (Hadr ben Salah, 4ème tirailleurs algériens, 27ème compagnie, matricule 20352, Sousse, Tunisie)

Mardi 14 novembre.

Les Serbes infligent une correction aux Allemands sur la Crna Rieka. Des prisonniers boches passent à Zivonia escortés par des soldats serbes. Ce ne sont plus les beaux hommes du début de la guerre mais des gringalets très jeunes. (A. Ange, St Pierre d'Oléron (Charente Inférieure)

Mercredi 15 novembre.

Les Allemands et les Bulgares reculent. Nous quittons, avec un peu de regret notre pauvre masure de Zivonia, car une pluie fine et froide mêlée de neige commence à tomber. Nous allons à Brod sur la Crna. En route nous croisons quelques prisonniers saxons petits et malingres. Nous occupons à Brod la maison que le colonel occupait et où je venais lui apporter des plis ; nous y serons à l'abri.

Sur la rivière Crna Rieka

Jeudi 16 novembre.

Je vais à Vreberri porter un pli à l'officier d'approvisionnement. Il tombe une pluie fine et mêlée de neige, je suis glacé. En rentrant le soir, je fais la rencontre d'un groupe de prisonniers allemands dont l'un me demande le chemin en patois lorrain. C'est un messin. Les autres sont de Sarreguemines : tous se sont rendus volontairement. La nuit se fait très noire, je perds la route. Isolement pendant 7 heure et anxiété. Une lumière apparaît. Je crie : ce sont des artilleurs égarés comme moi. Nous continuons la route ensemble sans savoir où nous allons. Nous nous arrêtons, nous nous couchons dans une voiture d'artillerie et nous attendons le jour. Je me trouve par hasard être couché à côté du chauffeur de Me Houot, notaire à Nancy et nous parlons du pays.

Vendredi 17 novembre.

Je pars pour Brod au lever du jour. J'y suis reçu avec des cris par le lieutenant qui me reproche mon retard et me donne 8 jours de prison. Un commandant d'artillerie nous met à la porte de notre maison pour s'y installer. Les montagnes sont couvertes de neige et il fait très froid sous la guitoune.

Dimanche 19 novembre.

Prise de Monastir. Nous avançons jusqu'à Ribarce. Seuls les marais, assez larges ......, de la Crna Rieka, nous séparent de Monastir. Ville d'extérieur pittoresque au pied d'une montagne couverte de neige. Toujours des minarets.

Lundi 20 novembre.

Les Bulgares et les Allemands ne sont pas encore très loin et lancent quelques gros obus autour de notre bivouac. Je porte le courrier au colonel qui se retrouve dans une petite église grecque à quelques Km de nous à Biljanik.

Jours suivants.

Nous sommes toujours à Ribarce sur Crna. Boue. Je porte des plis au colonel à ses différents postes, soit sur la Suka soit dans un ravin, soit à l'église de Biljanik.

Samedi 25 novembre.

Je retrouve mon "ancien escadron". Le capitaine Philipponat l'a quitté avec 60 jours d'arrêts de forteresse pour avoir attaché des hommes à la crapaudine : presque tous les officiers sont évacués, presque tous mes anciens camarades aussi. J'apprends la mort de mon petit camarade Trollin, évacué le même jour que moi de Kilindir (16 août), et cela me fait beaucoup de peine. Temps toujours à peu près beau.

Jours suivants.

Nous sommes toujours à Ribarci. Je vais tous les soirs au poste du colonel. Les Bulgares et les Allemands sont accrochés à la cote 1050 (chaîne de la Selecka Planina) d'où on ne peut les déloger. Bombardement quotidien du village de Novak et de la petite église grecque de Biljanik.

Mardi 5 décembre.

Le régiment est relevé et va se reposer à Negotin. Nous restons à Ribarci. Le colonel prend le commandement de la 2ème brigade coloniale. 4h de l'après-midi : une escadrille allemande vient bombarder nos bivouacs. 2 hommes tués, plusieurs blessés, 10 mulets éventrés.

Mercredi 6 octobre (sic).

8 heures du matin. Retour de l'escadrille allemande, bombes - pas de mal. midi : un avion boche tourne autour de Ribarci, lance 4 bombes et blesse 2 hommes. Nos avions ne paraissent pas. 3 heures : un autre avion revient lancer 6 bombes, tue un malheureux gendarme de la brigade et plusieurs chevaux. Nous creusons des tranchées pour nous mettre à l'abri, car leur retour demain est fort probable.

Jeudi 7 octobre (resic).

journée infiniment triste. Il pleut, les avions boches ne reviennent pas.

Vendredi 8.

Même journée qu'hier. Pluie.

Samedi 9 décembre.

Le soleil réapparaît et me remet un peu de gaîté dans l'âme.

Dimanche 10 décembre.

10h. Visite d'un avion boche. 8 bombes. notre artillerie ne tire pas et nos avions ne paraîssent pas. Un mort, quelques blessés, plusieurs mulets tués.

Mardi 12 décembre.

4 heures du matin : nous quittons Ribarci pour arriver à Vranopci au petit jour. Nous sommes à 3 km à peine de la ligne de feu. Je vais le soir au PC du commandant Gœtz qui commande provisoirement le régiment.

Mercredi 13 décembre.

Toute la journée nous entendons au-dessus de nos têtes le ronronnement énervant des avions boches devant lesquels un des nôtres se sauve piteusement. Un avion allemand abat à côté de Monastir le ballon captif français. Nous voyons l'observateur descendre doucement en parachute.

Samedi 16 décembre.

Les boches lancent quelques obus autour et dans Kanopci

Dimanche 17 décembre.

Une escadrille allemande passe au-dessus de nos têtes et va bombarder l'arrière. Un avion boche abattu.

Mardi 19 décembre .

Nous quittons Kanopci pour aller au repos dans un ravin à quelques Km en arrière du Village. (Léon Thomas, 5 rue des glaïeuls à Fontainebleau (Seine et Marne)

Samedi 23 Xbre

1h du matin. Le régiment quitte le ravin du repos pour repartir en ligne. J'accompagne le colonel jusqu'à son nouveau poste de commandement au pied de la cote 1050. Pour y arriver, nous enjambons quelques morts, l'obscurité m'empêche de reconnaître leur nationalité. Le coin est très mauvais à cause des balles qui y arrivent nombreuses. C'est là que je dois venir tous les soirs avec le courrier. Nous restons dans le ravin.

Dimanche 24 Xbre.

Veille de Noël. Ni colis, ni lettres : le réveillon de ce soir ne sera pas gai.... Il y a un an, j'étais à Nancy en permission. Que je regrette l'heureux temps où j'étais à Alençon au 14ème hussards..... Il fait très froid sous nos petites tentes.

Lundi 25 décembre.

Jour de Noël. Il fait froid, je suis malade. J'assiste à une messe dite en plein air par un artilleur.

Mardi 26 Xbre.

Journée de brouillard très froide. Je vais le soir au poste du colonel au pied de la cote 1050. Il fait très froid et très noir. Je rencontre sur la route beaucoup de soldats italiens. Il paraît que nous allons être relevés par eux.

Jeudi 28 Xbre.

Le régiment est relevé pendant la nuit du 28 au 29 et remplacé aux tranchées par les Italiens. Il fait une belle nuit très claire et très froide.

Samedi 30 Xbre.

Nous quittons le ravin à 8h avec ce qu'il reste du régiment, c'est à dire peu de chose. Nous passons la Crna au pont de Bukri et nous allons bivouaquer à Kenali. Kenali est un village turc bombardé par notre artillerie en octobre et novembre et complètement démoli. Batteries bulgares repérées.

Dimanche 31 décembre.

Nous quittons Kenali à 5h du matin. Nous bivouaquons à Zabjani.

Monastir et alentour

1er janvier 1917

Je quitte le bivouac de Zabjani à 8 h du soir avec le 5ème bataillon (Cdt Morand). Nous allons à Monastir (Bitoli).

2 janvier.

Nous sommes logés dans une grande maison, d'apparence assez riche. Il y a longtemps que cela ne m'est pas arrivé. La ville n'est pas jolie. Les rues sont sales et il y grouille une population turque pauvre et déguenillée. Tout est hors de prix : 1 œuf 12 sous, 2F un litre de mauvais vin, etc.... Le matin, les femmes font la queue à la porte des boulangeries sous la pluie et les obus pour avoir un morceau de pain, assez blanc toutefois, mais épais et mal levé. Les quelques magasins restés ouverts sont tenus par des turcs et repoussants de saleté ; les laiteries et les boucheries sont particulièrement sales. La ville est bombardée tous les jours.

Jours suivants.

Séjour à Monastir. Je vais porter le courrier du bataillon au colonel qui se trouve à Pozdes. J'ai de temps en temps des accès de paludisme qui me fatiguent beaucoup.

Samedi 13 janvier.

6 h du soir. Les Allemands bombardent la ville avec une intensité toute particulière. L'église grecque, les 2 grandes mosquées, la gare, le marché, les bords du Dragor et la grande rue centrale sont particulièrement visés. Un obus malheureusement tombe sur une maison, y tue 10 civils et en blesse 20 autres. La ville est pleine d'espions.

Jeudi 18 janvier.

5 h. Bombardement aussi intense que celui du 13.

Vendredi 19 janvier.

Nous quittons Monastir à 2h1/2 du matin. Le bataillon va occuper des tranchées en avant de Orizavi, à la droite de Monastir. Nous occupons le village avec le commandant. La ligne française est à la sortie du village, les Bulgares sont à 1500m et séparés de nous par le Dragor et plusieurs réseaux de fils de fer barbelés. Nous habitons à Orizari une maison de paysan où nous faisons du feu et où nous dormons tout à notre aise malgré la présence de l'ennemi. Le village n'a pas encore été bombardé.

Dimanche 21 janvier.

Belle journée d'hiver. La terre est couverte de neige. Notre maison est pauvre, bâtie en terre. Mais nous sommes à l'abri à côté d'un bon feu et nous sommes heureux comme des rois malgré la menace des obus qui à chaque instant peuvent nous tomber du ciel.

Lundi 22 janvier.

Les boches nous agacent toute la nuit avec des obus de 77 qui viennent éclater à côté de notre maison.

Jeudi 25 janvier.

Idem. La terre est toujours couverte de neige.

Jours suivants.

Alternative de pluie, de neige, de gelées et de dégel. Le chemin qui va d'Orizari à Cekrikci est plein d'eau. Je suis obligé d'y passer tous les soirs pour porter le courrier du bataillon au colonel. Les Allemands nous envoient toutes les nuits des obus de 77.

Vendredi 2 février.

Le 44ème colonial nous relève à Orizari. Le bataillon va à Pozdes et le colonel à Negocani avec le 6ème bataillon. Nous sommes installés dans une maison où nous sommes très bien. Il pleut. La plaine est inondée et les chemins sont couverts d'une épaisse couche de boue.

Lundi 5 février.

Journée radieuse de printemps.

Jours suivants.

Pluie et neige. On patauge dans la boue. La tristesse m'envahit : les jours et les mois passent et la guerre ne finit pas... Quand serai-je enfin libre et débarassé de toute servitude militaire? Cette vie fatiguante pour le corps, abrutissante pour l'intelligence ne finira donc jamais!.... Rares sont maintenant au régiment les officiers qui sortent de St Cyr. Au bataillon la plupart des lieutenants sont d'anciens adjudants, sans instruction ni distinction. L'un a été garçon de café, l'autre maçon. Et il faut obéir, voir même à l'occasion être le larbin de tous ces types!

Vendredi 16 février.

Belle journée. Voici venir le printemps.

Lundi 26 février.

Le 5ème bataillon quitte Pozdes pour aller prendre les tranchées en avant de Cekrikci. Je reste à Cekrikci avec mon cheval. Les boches nous envoient tous les jours quelques obus de 105 qui tombent dans la direction des batteries de 75 installées dans le village.

Mercredi 28 février.

Je suis malade. Accès de fièvre paludéenne. Temps beau.

Jeudi 1er mars.

Nous trouvons en nous réveillant la terre couverte d'une épaisse couche de neige.

Jours suivants.

Vent, pluie, boue, neige fondue. Temps désagréable. Nous sommes à l'abri dans une pauvre maison de paysan bâtie avec des mottes de terre. Mes journées se passent à ne rien faire, à m'ennuyer et à attendre la fin de la guerre.

Dimanche 11 mars.

Beau temps. 13 h. 20 gros obus sur Cekrikci. 2 blessés (Vidal, Lt Georget)- 2 obus tombent à côté de mon cheval qui par un hasard incompréhensible n'est pas touché.
15 h - nouveau bombardement.
17 h - Les batteries de Cekrikci envoient plusieurs rafales très violentes sur Trn. Les Bulgares répondent aussitôt en envoyant les 105 3 par 3 dans la direction des batteries.

Lundi 12 mars.

Bombardement assez violent vers la cote 1248 au-dessus de Monastir et du côté du lac de Presba.

Mardi 13 mars.

5 h du matin. je suis réveillé par un violent bombardement sur la cote 1050. Dans la journée, bombardement très violent sur 1248. Quelques obus sur Cekrikci. Accès de fièvre. Relève : le bataillon retourne à Pozdes.

Jours suivants.

Bombardement sur 1248 et attaques françaises. [Ss-Lieutenant P. Thomas, 8ème Rgt Art. à pied, 101ème Bie à Epinal (Vosges)].

Mardi 20 mars 19

. Une escadrille allemande passe au-dessus de Pozdes et va lancer une quarantaine de bombes sur les bivouacs, la gare et la ravitaillement du Viro.

Dimanche 25 mars.

Messe et sermon de l'aumonier divisionnaire. Deux soldats russes faits prisonniers il y a deux ans par les Allemands se rendent en traversant la Crna.

Lundi 26.

Une forte escadrille allemande va bombarder l'arrière. Nous entendons les détonations. Les bombes tombent vers Brod et Sakulevo.

Vendredi 30 mars.

Bombardement de Viro par une escadrille allemande. Le bataillon monte en ligne au tumulus. Je vais m'installer au train de combat à Zabjani.

Samedi 31 mars 1917.

Bombardement de Brod par une escadrille allemande. L'aviation allemande est très active. Temps superbe. Premiers jours d'été.

Mercredi 4 avril 1916 (sic).

Temps beau et chaud. Je vais à Obstrina dire une prière sur la tombe de mon malheureux camarade Hermant, tué le 8 octobre 1916. Il repose derrière le chœur de l'église, à l'ombre d'une pauvre petite croix de bois. La tombe est entretenue. On y a même planté quelques fleurs. Obstrina est un charmant village situé sur la frontière greco-serbe et bâti dans une vallée. Un torrent qui descend de la montagne et de grands arbres y entretiennent une fraîcheur très agréable. C'est un endroit où je me plairais et qui a beaucoup de ressemblance avec Bühlerthal (Forêt Noire). Les maisons sont spacieuses, bâties en pierres et n'ont rien de commun avec les bicoques en terre (Zabjani, Pozdes, Cerkrikci, etc..). La terre est plus fertile et mieux cultivée, les paysans et les paysannes plus propres que partout ailleurs. J'ai visité en même temps le champ de bataille des 4, 5, 6, 7, 8 octobre où nous avons reçu tant d'obus, le moulin et le gué d'Obstrina Dragos et les lignes bulgares de Gradesnica.

Vendredi 6 avril.

Vendredi Saint. On nous fait manger gras. Je vais à Sakulevo chercher un cheval pour le capitaine du bataillon. Je ramène une rosse qui se fait tirer pendant tout le parcours de 20 km. Autrefois il y avait de grands arbres à Sakulevo : tout a été coupé, à Kalencik aussi. Le génie commence à saccager les grands arbres dans la vallée à Dragos, Obstrina, Klastina, etc.. Les paysans macédoniens garderont de nous le même souvenir que d'une épidémie de peste ou de choléra.

de Monastir à Salonique

Dimanche 8 avril.

Jour de Pâques. L'intendance nous fait manger la morue du vendredi saint. Messe de Pâques à l'église de Zabjani. Des prisonniers bulgares travaillent à Porodin. On les a habillés avec les tenues bleu-horizon toutes neuves. Ils sont très gais et ont l'air d'attendre sans impatience la fin de la guerre. Leurs figures grasses et réjouies, leurs tenues neuves contrastent singulièrement avec le teint pâle et les haillons de deux pauvres prisonniers russes rendus à Pozdes le 25 mars.

Jours suivants.

L'activité s'est portée ailleurs, les bivouacs de la plaine s'en vont les uns après les autres. Le secteur paraît s'endormir.

Jeudi 12 avril.

Le train de combat quitte Zabjani pour aller à Opticar, village sale.

Samedi 14 avril.

Relève du bataillon. Pozdes.

Jeudi 19 avril.

Le 5ème bataillon retourne à Monastir. Quartier serbe? braves gens, peu d'obus. Accès de fièvre, temps très froid.

Lundi 23 avril.

Orizari. Mêmes emplacements qu'au mois de janvier.

Jours suivants.

Peu d'obus.

1er mai.

Le bataillon est relevé par le 30ème bataillon sénégalais et va à Monastir. Je suis retenu à Orizari par un accès de fièvre. Pozdes, Opticar.

4 mai.

Nouveau séjour à Monastir. Même cantonnement que le 19 avril. Le bataillon est en réserve à 1248. La température devient très lourde. Les femmes en deuil psalmodient des versets du Coran sur une tombe du cimetière turc. C'est lugubre, monotone et assomant.

Nuit du 7 au 8 mai.

Les boches envoient sur Monastir une très grande quantité d'obus asphyxiants. Victimes dans la population civile et nuit blanche pour moi.

Jours suivants.

Bombardements.

Mercredi 16 mai.

Le bataillon attaque sans résultat à 1248 : 112 blessés, 12 morts.

Jeudi 17 mai.

Relève du bataillon 1248

Vendredi 25 mai.

Le bataillon va occuper les tranchées du Tumulus. Nous quittons avec un peu de regrets notre cantonnement de Monastir, les braves gens qui nous hébergent et la bande de gamins que nous nourrissons.

Samedi 2 juin.

Mon petit cheval Kiki se blesse au boulet. La blessure est profonde et grave. (Sous-Lieutenant P. Thomas, 82ème Rgt d'art. lourde, 5ème groupe de 155 longs, 10ème batterie, secteur 181).

Jeudi 7 juin.

Je quitte mes camarades du 5ème Bataillon et je rejoins la Cie hors rang à Opticar. Il fait très lourd et je suis malade.

Jours suivants.

Température très lourde. Toutes mes nuits sont blanches à cause des moustiques et des mouches... Les Macédoniens sont des gens vraiment dégoûtants : le femme qui nous loge est vêtue de haillons, ne se lave jamais, se mouche dans ses doigts et ne fait rien de tout le jour que dormir et chercher ses poux. Temps couvert et lourd.

Mardi 19 juin.

Enterrement orthodoxe au cimetière d'Opticar. Rites très drôles. Un pope crasseux préside la cérémonie et les assistants mangent près du défunt avant de le quitter.

Samedi 23 juin.

Nous quittons Opticar sans regrets car le village est malsain et notre logeuse par trop sale. Nous allons à Kanina. Ce village est bâti au flanc de la montagne dans une vallée et est traversé par un ruisseau coupé de cascades.. Kladerope, Dragos, Obstrina sont des villages du même genre.... Les avions boches viennent tous les jours bombarder les intendances et les bivouacs de la plaine... Il fait très chaud.

Dimanche 15 juillet.

Retour au 5ème bataillon au repos à Obstrina.

Samedi 21 juillet.

Départ en permission de Kanina à la gare de Florina. Nous faisons la route à pied sous un soleil de plomb.

Dimanche 22 juillet.

Journée passée en chemin de fer, sur un wagon plat, en plein soleil. Nous arrivons à Salonique le soir. Camp de Mikra. Mauvaise nourriture, bains de mer.

retour en France

Jeudi 26 juillet.

Le remorqueur "Bon Voyage" nous prend à l'embarcadère de Mikra et nous conduit à bord du "Catherine II", croiseur auxiliaire russe. On nous loge comme des chiens au fond des cales où il fait une chaleur épouvantable.

Vendredi 27 juillet.

Le Catherine II part à 2 heures de l'après-midi avec un autre bateau de permissionnaires (Savoie italien) et un bateau hopital français (Flandre). Trois torpilleurs accompagnent le convoi.

Samedi 28 juillet.

5 h du matin. Arrivée et arrêt dans l'île de Skyros de l'archipel des Sporades. Paysage désertique. Départ à 14 h1/2, nuit en mer.

Dimanche 29 juillet.

5 heures. Arrivée et arrêt dans l'île de Milo de l'archipel des Cyclades. Ville blanche. Nous sommes très mal nourris à bord. Le pain est moisi et la viande pourrie. Départ de Milo à 16 heures. Nuit en mer.

Lundi 30 juillet.

Arrivée et arrêt dans la baie de Navarin. Marchands de raisins. Départ à 16 heures. Nuit en mer.

Mardi 31 juillet.

Arrivée et arrêt sur la côte d'Albanie, en vue de Corfou. Une bande de miséreux albanais viennent avec des barques repêcher le pain pourri que les soldats jettent à la mer. Nous sommes nourris et traités comme de vrais chiens. Départ de Corfou à 17 heures. Nuit dans l'Adriatique.

Mercredi 1er août.

8 heures. Entrée dans le port de Tarente. Ville d'extérieur très sale. Escadre italienne en rade : Napoli, Regina Elena, Cavour, etc.. Midi. Débarquement. Tout le monde est épuisé de faim et de fatigue. On nous loge sous des tentes en attendant le départ du train qui doit nous conduire en France. 18 heures. Départ du train... Un officier du 176ème donne un coup de poing à un homme... et l'on parle de la brutalité des Allemands. Les environs de Tarente sont verdoyants, la végétation est à peu de choses près la même qu'en Tunisie (figues de barbarie, oliviers, figuiers, amandiers) et les maisons aussi (terrasses et blanchies à la chaux). Nuit très fatiguante en chemin de fer.

Jeudi 2 août.

Le paysage change. On traverse d'abord un pays de vignobles puis des fermes. Foggia. Montagnes. 3 h1/2 Bénévent, 7 h Capoue. Nous passons à Rome de nuit et nous ne voyons rien.

Vendredi 3 août.

Civita Vecchia. Arrêt à Livourne à 5 heures. Diner en ville.

Samedi 4 août.

Départ de Livourne à 11 heures. 3 h1/2 Spezia. Nous traversons un pays excessivement riche (oliviers et vignes) et pittoresque. Le train longe la mer passe sous des tunnels. Plages et villages, vieux chateau sur la montagne et bon accueil des Italiens.

Dimanche 5 août.

5 heures. Arrivée à la gare frontière italienne de Ventimille. Entrée en France. Côte d'azur, Menton, Monte Carlo, Monaco, Nice, Antibes, Cannes. 6 heures du soir, arrivée à Marseille et incarcération au dépôt des isolés coloniaux.

Liste des cantonnements de J. Thomas

13 esc. :
Salonique, Nares, Sari-Gueil, Kukus, Gramatna, Hiriclis, Hirsova, Janes, Pateres, Hussushi, Kilindir, Gola, Surlevo, Popovo, camp de Zertenlik.
35ème CHR :
Sanili, Jenitze-Vardar, Vodena, Vladova, Ostrovo, Banica, Kteloum, Mahala, Klestina, Florina, Dragos, Kladerope, Rosna, Vakufkoj, Kalenik, Sakulevo, Zivonia Varbeni, Brod, Negotin, Ribarci, Dobromir, Biljanik, Hasan, Kremian, Oba, Kanopci, Bukri, Kenali
5ème bataillon :
Zabjani 1917, Monastir, Orizari, Cekrikci, Pozdes, Negocani, Karaman, Opticar, Trn, St Nedela (église), Ste Elise (église), Porodin, Lazec, Gradesnica, Obstrina, Kanina

Remarque :

le nom de ces diverses localités est d'orthographe fluctuante par suite de la difficulté de lecture d'un texte manuscrit parfois presque complétement effacé et par suite de l'évolution dans le texte de cette même orthographe. Les données de la revue "l'Illustration" ne sont pas toujours exploitables.